La mini-crise bancaire de 2023


Tout le monde se souvient de la crise bancaire de 2008 qui avait été causée par l’exposition des banques et institutions de crédits hypothécaires américaines aux « subprimes », ces valeurs résultant du packaging de prêts hypothécaires de qualité différente, fort rentables et acquises par les banques du monde entier. Les défauts des débiteurs ont amené leur écroulement. Les « credit default swpas (CDS) » ont joué à plein. Les banques ont cessé de se prêter les unes aux autres. La crise a nécessité des remèdes drastiques. La régulation bancaire a été renforcée, notamment quant aux exigences de fonds propres des banques.

Ensuite, pendant la crise du Covid, les banques centrales ont pratiqué une politique de taux d’intérêt très bas tout en acquérant des obligations sur le marché. Les taux d’intérêt sont donc restés proches de zéro ou même ont été négatifs. Après la fin de la pandémie, ce qui était prévisible arriva : l’activité économique reprit avec énergie. L’inflation, que l’on avait tenté jadis de provoquer, se réinstalla. Les banques centrales passèrent à une politique d’augmentation de taux : ceux-ci passèrent à 3,5 % en Europe et à 4,5 % aux Etats-Unis. Elles cessèrent leur politique d’augmentation de liquidités (« quantitative easing »).

En mars 2003, une banque régionale américaine, la Silicon Valley Bank, se trouva en difficulté. Elle recevait particulièrement les dépôts des start-up californiennes qui avaient levé des fonds pour leurs activités et n’en avaient pas besoin immédiatement. Elle avait connu une forte expansion. Elle avait investi en bons du Trésor américain dont le rendement était par exemple de 1 %. Avec la hausse des taux, les rendements passèrent à, disons, 4 %. Dès lors qu’en raison de retraits de dépôts la banque avait un besoin d’importantes liquidités, elle devait vendre ses bons du Trésor à long terme et enregistrer une forte perte due à la différence de taux d’intérêts. Il en résulta un « bank run » qui atteignit une seconde banque du même type, Signature. La réserve fédérale intervint pour garantir les déposants. Ceux-ci, en effet, n’étaient garantis qu’à concurrence de 250.000 USD. Si la réserve fédérale n’était pas intervenue, tous les déposants des petites banques américaines risquaient de retirer leurs dépôts pour les placer dans de grandes banques dites systémiques qui étaient « too big to fail » et qui auraient été soutenues de toutes façons.

L’administration Trump avait, aux Etats-Unis, relâché la règlementation en ce qui concerne les petites banques. Une telle situation n’existait pas en Europe.

L’écroulement en Suisse de la banque Crédit Suisse a d’autres causes. Cette banque, l’une des plus ancienne du pays, avait été créée au XIXe siècle par un banquier visionnaire pour financer notamment le développement des chemins de fer dans le pays. Ces derniers temps, elle avait accumulé les difficultés : scandales financiers, faible rentabilité de sa branche Banque d’investissements, mauvaise analyse des risques. Toutefois, elle était solvable. Le problème naquit de l’attitude de ses actionnaires. En cas de difficultés bancaires, les actionnaires sont généralement sacrifiés. Un fonds saoudien, important investisseur dans la banque, annonça qu’il n’augmenterait certainement pas sa participation dans celle-ci. Il provoqua une perte de confiance généralisée et des retraits de dépôts qui atteignirent, en une seule journée, 10 milliards de francs suisses. Le gouvernement fédéral provoqua alors la fusion obligée entre le Crédit Suisse et l’Union de Banques Suisses (UBS), la plus grande banque du pays, créant un mastodonte financier. Curieusement, les actionnaires du Crédit Suisse reçurent, avec une forte décote, des actions UBS. En revanche, des détenteurs d’obligations T ur One, instruments financiers équivalents pratiquement à des fonds propres mais constituant juridiquement des créances, furent sacrifiés, ce que permettait le « small print » des obligations en l’espèce.

L’analyse de cette crise, à l’issue encore incertaine, amène certains économistes à s’interroger sur l’action des banques centrales. Celles-ci ont une triple fonction : émission de monnaies ; régulation bancaire ; contrôle de l’inflation par la hausse et la baisse des taux d’intérêt. Elles ont acquis leur indépendance après l’inflation des années 1970-1980. L’inflation actuelle résulte non seulement de la reprise vigoureuse de l’économie après la pandémie mais également de la hausse des prix de l’énergie résultant de la guerre russo-ukrainienne. Il existe donc deux sortes de monnaie : celle qui est émise par les banques centrales et est par définition garantie ; celle qui est émise par les banques sous forme de dépôts et qui est, au-delà du montant sécurisé par l’Etat, soumis au risque de faillite d’une banque. Certains se demandent si toutes les formes de monnaies ne devraient pas être émises par la banque centrale, les banques privées se limitant à leur fonction de crédit et empruntant auprès de la banque centrale. L’idée s’est d’ailleurs matérialisée sous la forme d’un projet de création de monnaie numérique par les banques centrales. Les banques privées ont insisté pour que cette création soit plafonnée.

Un nouveau cygne noir nage-t-il vers l’incertitude ?