Dans le cadre de l’Action 1 du Plan BEPS, l’OCDE et l’Union européenne ont entrepris divers efforts en vue d’une imposition des produits d’économie digitale dans les pays de commercialisation de ces produits. Certains Etats ont déjà introduit des taxations nationales, généralement sous la forme d’impôts indirects. Dans un effort de systématisation, l’OCDE a présenté en 2020 deux rapports1.
Le rapport du Pilier 12, après avoir présenté les trois méthodes possibles d’imposition de l’économie digitale, sur la base de la participation des utilisateurs, d’actifs immatériels de commercialisation ou d’une présence économique significative, propose un nouveau facteur de rattachement applicable aux activités destinées aux consommateurs et utilisant la digitalisation. Ce facteur remplacerait en l’espèce celui de l’établissement stable et se déclinerait en trois phases. Un montant A serait la portion du bénéfice résiduel présumé demeurant après attribution d’un profit de routine présumé aux activités localisées dans un pays. Ce profit serait divisé entre les juridictions de marché sur la base d’une formule prenant en considération les ventes.
Un montant B serait attribué aux activités développées dans la juridiction de marché conformément aux règles existantes (établissements stables, prix de transfert) avec éventuellement l’utilisation d’une rémunération fixe.
Un montant C reconnaîtrait des activités spécifiques dans les juridictions de marché dépassant celles qui donnent droit au montant B.
Un projet de convention multilatérale a été préparé pour permettre aux Etats participants d’imposer une partie du profit résiduel des entreprises multinationales (montant A du Pilier I).
Le Pilier II3 ou proposition GloBe (“Global anti-base Erosion Proposal”) vise de façon générale le transfert par les entreprises multinationales de leurs profits à des juridictions de faible imposition par l’adoption de quatre règles :
– une règle d’inclusion du revenu impose la taxation d’un établissement étranger ou d’une société étrangère contrôlée dans le pays de la société contrôlante si le revenu est soumis à un impôt inférieur à un taux minimum ;
– une règle relative aux paiements sous-imposés refuse leur déduction ou impose une taxation à la source dès lors qu’il s’agit de paiement à une partie liée soumis à un impôt inférieur à nouveau à un taux minimum ;
– une règle de “switch-over” serait introduite dans les traités prévoyant la substitution de la méthode de crédit à celle de l’exemption si les bénéfices d’un établissement stable ou d’un bien immobilier sont soumis à impôt à un taux inférieur à un taux minimum ;
– enfin, une règle d’assujettissement à l’impôt soumettrait un paiement à imposition à la source ou refuserait l’applicabilité des bénéfices d’un traité lorsque le paiement n’est pas soumis à un taux minimum.
Des discussions ont eu lieu quant à la fixation de ce taux. L’OCDE s’est accordée sur un taux de 15 % et a publié divers documents4.
Le cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS a préparé en septembre 2023 un instrument multilatéral facilitant la mise en œuvre de la règle d’assujettissement à l’impôt (RAI) prévue par le Pilier Deux, qui permettrait aux pays en développement d’imposer certains paiements intragroupes assujettis à un taux d’impôt inférieur à 9 %.
La mise en œuvre du Pilier II appelle une coordination avec les règles applicables aux sociétés étrangères contrôlées (SEC) (Controlled foreign Corporations – CFC), trouvant leur origine dans le « Revenue Act » américain de 1962, œuvre du Professeur Stanley S. Surrey, alors sous-secrétaire du Trésor du Président Kennedy, et ayant été depuis lors largement adoptée dans le monde, la Belgique s’y étant ralliée après une longue abstention.
Jacques Malherbe